Prédication du dimanche 28 février 2010 à Valréas

Publié le par E.R.F. - Valréas - Saint Paul Troix Châteaux

Frères et sœurs,

 

Vous avez certainement entendu parler du chaînon manquant. Les archéologues, les paléo-anthropologues, les biologistes le cherchent depuis longtemps, depuis en tout cas Darwin. La théorie de l'évolution suppose en effet des transitions entre deux étapes. Et parfois entre des vestiges très éloignée, on cherche les maillons intermédiaires, que l'on appelle chaînons manquants aussi longtemps qu'on ne les a pas trouvés.

 

La question et la quête des scientifiques est aussi la question et la recherche des philosophes, des poètes, des romanciers, la question et la quête de tout un chacun. Quel est le chaînon qui fait que nous sommes devenus des êtres humains ?

 

Or cette question et aussi celle de la Bible. C'est même la question centrale de la Bible : qu'est-ce qu'un être humain ? Comment devient-on un être humain ? Comment progresse-t-on dans notre humanité ?

 

La Bible n'est pas un livre de bondieuseries, c'est avant tout un livre qui nous aide à devenir de plus en plus humain. Si Dieu s'est incarné en un être humain, s'il a pris corps comme l'un de nous, c'est bien sûr pour nous parler de Dieu, mais, pour Jésus, nous apprendre à connaître Dieu est exactement la même chose qu'apprendre à connaître notre humanité. Reconnaître Dieu comme Père, c'est reconnaître notre humanité véritable. Jésus est venu nous révéler comment l'humanité peut accomplir son destin éternel en vivant devant Dieu.

 

Revenons maintenant au chaînon manquant.

 

L'histoire que nous avons lue tout à l'heure avec son langage, avec tous les détails de ce récit, nous dit comment on accède à l'humanité véritable.

 

Dans cette histoire, il y a au début, d'un côté 2000 porcs qui paissent tranquillement leur nourriture dans les champs et, dans un cimetière, un être humain, nu comme un porc, qui vocifère sa douleur au lieu de s'exprimer en parlant, un homme qui ne peut pas maîtriser sa vie et que personne ne peut maîtriser. Un être qui se blesse lui-même et se considère déjà comme mort. Sa personnalité est tiraillée dans tous les sens. Il n'a pas d'identité individuelle et pas de vie sociale.

 

Un homme profondément seul, un homme qui ne s'aime pas, qui ne vit pas encore tout à fait, ni pour lui-même, ni pour les autres, ni pour son créateur.

 

L'histoire nous apprend qu'il est habité par une légion de démons. Nous pouvons êtres stupéfaits de remarquer que lorsque ce démon « Légion » voit Jésus s'approcher, il le supplie : « Que me veux-tu Jésus, Fils du Dieu très-Haut ? Je t'en conjure, au nom de Dieu, ne me tourmente pas ! » (5,7).

 

Entendre un démon invoquer très sérieusement le nom de Dieu pour que Jésus le laisse tranquille, est déjà une circonstance étonnante, mais de plus, ce démon fait une sorte d'aveu : il reconnaît que Jésus est bien le Fils du Dieu très-haut. C'est une sorte de confession de foi qui nous montre à quel point la personne de Jésus est puissante.

 

La parole de Jésus est d'ailleurs tellement puissante qu'elle va ordonner à cet esprit « Légion » de quitter cet homme. Celui-ci se retrouve à la fin de l'histoire : « assis, portant des vêtements et étant dans son bon sens » (v.15)

Il est devenu un être humain qui prend soin de son corps, qui maîtrise ses mouvements, qui parle, qui a son bon sens, qui peut vivre dans sa famille, qui peut louer Dieu. Il est devenu un être humain véritable. Le chaînon manquant dont les anthropologues cherchent la trace, c'est le Christ !

 

C'est lui qui nous fait quitter un stade pré-humain pour accéder à l'humanité dans sa plénitude.

 

En prononçant ces mots, j'ai bien conscience qu'ils peuvent surprendre, choquer même.

 

Car enfin, dire que seul le Christ nous permet d'accéder à la véritable humanité, ne revient-il pas à dire que ceux qui ne connaissent pas Dieu ne seraient pas des vrais êtres humains ? Les croyants seraient-ils donc une race à part, supérieurs aux autres ? ...

 

C'est malheureusement pire que ça ! Dans notre histoire, la véritable distinction n'est pas faite entre ceux qui croient en Dieu et ceux qui n'y croient pas.  Je vous ai fait remarquer tout à l'heure que l'homme nu, dans son cimetière, in-maîtrisable croyait parfaitement dans l'unique vrai Dieu et dans son Fils unique.

 

La différence se fait entre croyants de deux espèces : l'homme possédé par une légion criait : « ne me tourmente pas ». L'homme libéré par Jésus est calme et veut suivre Jésus. Il y a donc non pas d'un coté des gens qui croient en Dieu et d'un autre côté des gens qui ne sont pas croyants. La distinction se situe entre une sorte de croyants et une autre sorte de croyants : des gens que Jésus tourmente et d'autres que Jésus apaise ! La véritable humanité consiste à être en paix avec le Christ et en paix avec Dieu : « retourne chez toi, dans ta famille, et raconte-leur tout ce que le Seigneur a fait dans sa bonté pour toi ».

 

Le chaînon manquant de l'humanité, c'est le Christ, ai-je dit tout à l'heure. Au moins, il ne manque plus pour notre homme. Grâce à Jésus, il retrouve de la paix et du lien familial et social.

 

Cette histoire nous montre que Dieu n'abandonne personne et que Jésus n'est rebuté par personne, même l'individu le plus mal en point et dans le plus grand désordre.

 

Cette histoire nous montre aussi que l'humanité véritable consiste à accepter l'autorité de Jésus et d'accepter Dieu lui-même comme notre Père : « en vérité, en vérité, je vous le dis, qui reçoit celui que j'envoie me reçoit et qui me reçoit, reçoit celui qui m'a envoyé » dit Jésus (Jn 13,20)

 

C'est en étant uni au Christ et à Dieu qu'un être humain atteint sa véritable stature et accomplit son destin.

 

L'autorité du Christ donne la paix avec Dieu, elle donne  une existence sociale, un destin personnel à découvrir et à assumer. L'homme guéri veut d'abord suivre Jésus. Celui-ci ne le lui permet pas et le renvoie chez lui. Ce dialogue est formidable. Il nous apprend qu'on peut obéir à la Parole du Christ sans marcher physiquement derrière lui. Heureusement pour nous !

 

On peut aussi se rapprocher du Christ en semblant s'en éloigner en apparence. Il ne faut d'ailleurs jamais trop se fier aux apparences. Enfin pour l'être humain qui accepte l'autorité du Christ commence un dialogue sans fin dans la prière pour chercher à chaque étape, à comprendre ce qu’il est juste de faire.

 

Le retour dans la famille ne sera probablement pas facile. En la quittant jadis, il a du y avoir des drames qu'il faudra raccommoder. Mais c'est son histoire à lui, une histoire unique qu'il doit vivre tout seul, c'est à dire avec Dieu et la force que lui donne le Christ.

 

Pendant ce temps là, les démons légions sont allés dans le troupeau de porcs. 2000 porcs précipités dans la mer, et donc au moins 2000 démons. Cela donne une idée de ce qui peut se passer en chacun de nous !

 

Cela nous montre aussi que le monde spirituel a horreur du vide. Les êtres humains ont tous une vie spirituelle, mais cette vie spirituelle peut se développer dans des directions bien différentes. Ceux qui croient fermement en Dieu sont aussi ceux qui sont les plus exposés à prendre de faux chemins de déshumanisation en voulant s'écarter de Jésus, le Christ.

 

Je voudrais vous dire encore un mot au sujet des porcs.

 

Le porc n'est pas tout à fait un animal comme un autre. Il a une place à part. Il ressemble à l'homme dans sa nudité. Sa couleur rose, peu de poils vus de l'extérieur de la bête. Vu de l'intérieur également : une formule d'hémoglobine très proche, des viscères très ressemblants par leur taille et leur disposition. Une alimentation omnivore. C'est peut-être à cause de cette ressemblance que dans beaucoup de religions le porc est un animal sacré et en même temps un animal impur dans le livre du lévitique.

 

Dans le Lévitique, le cochon est impur car il y a chez lui une incohérence. A cette époque, on estimait que les ruminants devaient tous avoir le sabot fendu et que tous les animaux aux sabots fendus, devaient être des ruminants. Or le cochon a les sabots fendus, mais il ne rumine pas. Il y a chez lui quelque chose qui ne tourne pas rond. Il est donc impur. A l'inverse, le lapin était censé ruminer, mais il n'a pas de sabot, puisque ses pattes sont griffues. Lui non plus, ne tourne pas rond, le lapin est donc lui aussi classé comme impur.

 

Jésus en s'approchant d'un homme animé par un esprit impur et en libérant cet homme de son impureté amorce un changement considérable qu'il faudra encore un peu de temps à ses disciples pour comprendre : il n'y a désormais pour celui qui croit au Christ plus rien d'impur. Bientôt, après Pentecôte, l'apôtre Pierre découvrira que non seulement il n'y a plus d'hommes impurs, mais il n'y a plus non plus, d'animaux impurs : « Ce que Dieu a purifié, toi, ne le dis pas souillé ». (Ac 10,16).

 

Nous sommes prompts à déclarer telle personne impure, dangereuse, irrécupérable. Cette rapidité à exclure, juger, enfermer, enterrer est présente dès le début du récit dans l'impatience de maîtriser par la force l'homme souffrant. Cette hâte est encore présente à la fin lorsque les gardiens de troupeaux s'enfuient à toute vitesse. Ils s'enfuient d'ailleurs au moment où il n'y a plus de raison de s'enfuir. Piètres gardiens ! Misérable humanité que la nôtre si impuissante à garder ce que Dieu lui confie homme ou bête. Misérable humanité que la nôtre si vite effrayée et apeurée par ce qui ne nous menace pas !

 

Heureusement, un autre garde le monde. Dieu veille comme un berger sur ses brebis et il va chercher dans sa miséricorde toutes celles que nous avons exclues.

 

Notre Dieu ne s'enfuit pas. Le Christ affronte et domine les démons de l'humanité.

 

Notre Seigneur ne s'enfuit pas. Il vient guérir, chercher, appeler, libérer, faire vivre notre humanité. 

 

L'humanité véritable peut vivre en paix avec Dieu et dans un monde purifié par Dieu

 

Amen !

Publié dans Prédications

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