Prédication du dimanche de Pâques - 8 avril 2012 - à St Paul Trois Châteaux
Culte à St Paul Trois Châteaux du 8 avril 2012 - Pâques
Luc 24, 1 à 12
Frères et sœurs,
L'événement central de la foi chrétienne commence bien mal. Vous l'avez entendu dans l'Évangile de Luc : quelques femmes perplexes. Onze disciples qui n'en croient pas un mot. Pierre tout seul fait le chemin jusqu'au tombeau mais revient étonné.
Pas de grande déclaration de foi, aucune explosion de joie, aucune preuve incontestable de la résurrection de Jésus. Le dossier est mince.
On a de quoi être surpris que tout le christianisme ultérieur repose sur les commencements si fragiles, si ténus de la perplexité, du doute, de l'incrédulité.
En fait avec cet étonnement, ce doute, cette incrédulité, nous sommes à la racine de la foi chrétienne. Au début de la foi chrétienne il y a de la perplexité et du doute.
La perplexité et le doute ne sont pas les ennemis de la foi, mais au contraire en sont à la base. Regardons ensemble le récit de Pâques :
Jusqu'au matin de Pâques, les Onze Apôtres sont réunis, tous les autres disciples aussi. Pour eux ce qui est évident, c'est que Jésus est mort et enterré. Pour eux, c'est indubitable. Les femmes qui vont au tombeau partagent la même certitude : l'aventure de Jésus sur terre est finie, la royaume des cieux au milieu de nous, c'est terminé, indubitable, incontestable. Nous en avons une preuve dans le fait qu'elles se dirigent vers le tombeau avec des aromates préparés pour le soin du corps de Jésus. La mort de Jésus est certaine. C'est le grand drame et la grande certitude de leur vie. Rien ne vient entamer leur conviction.
Et bien, Pâques, la foi de Pâques, le bouleversement de Pâques commence justement par mettre en doute cette conviction unanimement partagée.
Les femmes sont perplexes, elles vont cependant raconter le message des deux hommes vêtus de blanc aux Onze qui ne les croient pas, mais parmi les Onze, Pierre décide quand même d'aller faire un tour, il a été lui-même ébranlé par la perplexité des deux femmes et il s'en revient étonné. Oh, ce n'est pas encore une foi assurée, une foi triomphante, mais cet étonnement relève du prodige, du miracle.
Rien ne commence dans la foi chrétienne sans cette surprise modeste, ce premier étonnement que l'on peut résumer ainsi : les choses ne sont pas ce que nous avons cru qu'elles étaient.
Il ne faut pas opposer la foi et le doute. Le chrétien doute : il doute des évidences que tout le monde reconnaît comme telles. Le chrétien doute que la maladie et la mort aient toujours le dessus ;
le chrétien doute que le mal et l'injustice auront le dernier mot.
Le chrétien doute que la force soit supérieure au droit.
Le chrétien doute que l'argent soit la chose et la norme la plus importante de toutes.
Le chrétien doute qu'il existe des offenses qui ne puissent être pardonnées.
Les femmes étaient perplexes, les Onze ont pris leurs paroles pour des niaiseries, mais Pierre a été pris d'un doute et il est allé voir. Quand il revient du tombeau il est étonné. Le texte ne dit pas plus que cela : un étonnement ! La foi chrétienne commence et recommencera toujours dans notre vie par un doute qui remet en cause les forteresses de savoir, de crédulité et d'évidences que le monde charrie.
Les chrétiens doivent assumer positivement et revendiquer pour eux-même le doute, tout comme le texte biblique l'assume sans le dissimuler pour la première génération des disciples et des témoins. Le doute, la perplexité, ne viennent pas démolir la foi, ils viennent au contraire permettre la foi et la fonder.
Cette journée qui avait commencé sous le sceau d'une mort indubitable, se poursuit tout autrement. La perplexité des femmes puis l'étonnement de Pierre sont la réponse au message des deux hommes en vêtement éblouissants, qui dans le tombeau s'adressent aux femmes pour leur dire : « Rappelez-vous ce qu'il vous a dit lorsqu'il était encore en Galilée : il faut que le Fils de l'homme soit livré à des pécheurs, qu'il soit cloué sur une croix et qu'il se relève de la mort le troisième jour. Elles se rappelèrent alors les paroles de Jésus ».
On le voit, cette phrase, ce rappel des paroles de Jésus est le déclic pour les femmes qui ne repartent voir les Onze qu'avec les paroles de Jésus désormais actualisées par le tombeau vide. Je vous propose de nous arrêter un peu sur ces paroles.
Le message de la Résurrection est d'abord un rappel de la mort nécessaire de Jésus sur la croix. Il fallait que Jésus soit livré et crucifié.
Quelle est la portée de ce « il faut » ? On a parfois compris cette nécessité de la mort de Jésus comme une sorte d'amour de la souffrance, de « sadisme », comme si Dieu avait besoin de faire souffrir quelqu'un pour pardonner aux hommes leurs péchés.
« Il faut ». Ces mots jettent une nouvelle lumière sur la mort de Jésus. Jusqu'ici les disciples ont pu croire que la mort de Jésus était la réussite d'un complot des autorités juives jalouses de leurs prérogatives. Les disciples ont pensé qu'ils n'avaient pas su défendre leur maître lors de son arrestation. Ils n'ont pas réussi à l'inciter à la prudence. Ils ont pensé que les adversaires de Jésus avaient été plus malins en produisant de faux témoins et en achetant la complicité d'un membre du cercle le plus rapproché, Judas. Tout dans le complot contre Jésus, dans le procès devant Anne et Pilate montre l'habileté des méchants. Tout semble montrer que les hommes ont mené de A jusqu'à Z la conspiration.
Mais il n'en est rien. Les femmes en entendant le rappel de ces mots de Jésus : « Il faut que le Fils de l'homme soit livré, crucifié et qu'il ressuscite », les femmes comprennent que les méchants, les adversaires n'ont rien mené du tout, ils croyaient avoir la main en arrêtant Jésus, mais c'est tout le contraire : pendant qu'ils s'agitaient pour faire taire le Christ, c'est le mystérieux projet de Dieu qui s'accomplissait, un projet délibéré, un projet annoncé clairement déjà avec le prophète Ésaïe, puis à plusieurs reprises par Jésus lui-même dès le début de son ministère. un projet assez incompréhensible, un projet que la méchanceté et la cruauté des hommes ne peuvent pas enrayer, car le projet de Dieu va utiliser les pires possibilités de l'être humain pour faire connaître l'étendue de son pardon. Il doit donc subir l'offense la plus grande. Pour cela, oui, il fallait que le Fils de Dieu soit livré aux pécheurs et crucifié, c'est à dire condamné de tous.
La mort de Jésus n'est pas un échec, elle n'est pas une erreur judiciaire, elle n'est pas un accident de parcours, elle n'est pas une œuvre humaine, elle est une étape nécessaire du merveilleux plan de Salut de Dieu. Jésus est entré volontairement dans sa passion. En toute connaissance de cause, sa mort était incluse dans le projet divin. Voilà pourquoi il a pu dire à plusieurs reprises : « il faut que le Fils de l'homme soit livré, crucifié ».
Dans toute cette affaire, les hommes croyaient réaliser leur propre plan, ils croyaient avoir le pouvoir de tuer, ils croyaient maîtriser les événements, mais en fait, c'est le plan de Dieu qui se réalisait, un plan plus vaste, dans lequel toute la vie de Jésus s'inscrit désormais d'une manière toute nouvelle pour les femmes qui retrouvent la mémoire.
Les femmes entendent ces paroles. Elles se souviennent alors de ce que Jésus avait dit et qu'elle avaient oublié. Maintenant que les événements sont survenus, elles en comprennent la portée. Alors si ce que Jésus avait dit est vrai à propos de sa mort, peut-être que ce qu'il a dit à propos de sa résurrection est vrai aussi. Alors cela expliquerait la pierre roulée et le le tombeau vide. En fait c'est le plan de Dieu qu'elles découvrent en écoutant la Parole des deux hommes. Un plan qui se déroule comme prévu.
Alors si Dieu gouverne vraiment l'histoire, alors oui la mort de Jésus et sa résurrection sont possibles, alors oui lutter contre le mal sous toutes ses formes devient possible. Le mal et la mort ont perdu leur aiguillon et sans le savoir, sans le vouloir, ils sont devenus les servants de la vie éternelle.
Les disciples de Jésus peuvent bien connaître des tribulations de toutes sortes, des persécutions, des solitudes, ils peuvent bien perdre leur vie. Les femmes et Pierre commencent à entrevoir que dans toutes ces situations, malgré les apparences, ce ne sont pas les hommes qui gouvernent, ce n'est pas le mal qui triomphe, c'est Dieu qui règne et gouverne le monde, et il a choisi de nous faire entrer dans sa vie, par le chemin le plus éloigné, le chemin sur lequel nous sommes tous : le chemin de nos malheurs, de nos solitudes et de notre mort.
Nous pouvons choisir la vie ! Nous ne pouvons pas éviter le mal qui nous frappe, nous ne pouvons pas éviter notre mort. Celle-ci un jour nous rattrapera. Nous ne pouvons pas toujours éviter la révélation du Mal en nous. Il est nécessaire que nous mourrions un jour, il faut que nous rencontrions le mal, mais en toutes ces choses, nous pouvons choisir la vie.
« Pourquoi cherchez-vous parmi les morts celui qui est vivant ? » Pourquoi cherchez-vous votre vie parmi ce qui est mort ?
Souvenez-vous des paroles du Christ. Il les a prononcées pour vous.
Amen !