Prédication des 29 et 30 septembre 2012 (St Paul et Valréas)
Es 65-17
Culte à St Paul du 29 septembre et à Valréas le 30 septembre 2012
Credo 4 : … créateur du ciel et de la terre.
Frères et sœurs,
J'ai trois choses à vous dire aujourd'hui à partir de cette affirmation du Credo sur le créateur du ciel et de la terre.
Vous savez à quel point j'attache de l'importance aux mots, à la grammaire. Quand nous disons je crois en Dieu le Père tout puissant créateur du ciel et de la terre, nous apprenons quelque chose sur Dieu.
Or, souvent cette phrase est détournée de son intention et de son sens et on considère souvent à tort que cette affirmation de foi concerne le monde.
D'où la querelle entre les créationnistes et les scientifiques. Les créationnistes ont des pensées diverses et subtiles et je ne voudrais pas les caricaturer tous en les mettant dans le même sac, mais fondamentalement, la plupart des créationnistes considèrent que la foi en Dieu créateur implique un savoir qui concerne le monde créé. Or le Credo ne confesse pas la foi en un monde créé. Le Credo ne dit rien sur le monde, il parle de Dieu, il confesse la foi orthodoxe et universelle des chrétiens en Dieu le créateur. La connaissance biblique et l'article du Credo concernent Dieu comme créateur. On apprend quelque chose de décisif, quelque chose de neuf à propos de Dieu et non à propos du monde.
Défendre les thèses créationnistes comme on l'entend souvent est donc une sorte de contre-sens qui au lieu d'être un discours de foi sur Dieu devient un discours sur le monde.
Et de fait, les croyants lecteurs de la Bible ont accès à une connaissance précise, rigoureuse, exigeante sur Dieu mais pas forcément sur l'astronomie, la géologie, les sciences naturelles ou les mathématiques. Beaucoup de créationnistes se concentrent sur un savoir positif sur le monde, sa formation, sa chronologie, sa chimie, Certains affirment ainsi que la terre a 12 000 ans, que les dinosaures n'ont pas pu exister, ... alors que la connaissance révélée dans la Bible est une instruction qui s'applique à Dieu et non au monde. De ce fait, ils construisent un discours savant en rejetant la recherche scientifique et je crois qu'ils se trompent de question et du coup ne rendent pas, le plus souvent, un témoignage clair et fidèle au sujet de Dieu lui-même.
La deuxième chose que j'aimerais partager avec vous, va compléter, préciser et un peu nuancer ce que je viens de dire d'une manière massive. En fait quand on dit : « je crois en Dieu le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre », on apprend quand même une chose sur le monde, une seule, mais de taille : c'est que le monde n'est pas Dieu.
Les religions primitives mettaient Dieu dans le monde : les sources, les volcans, certaines montagnes, des trous dans le sol, certains animaux étaient divinisés comme les crocodiles en Égypte ou les vaches en Inde encore aujourd'hui. La superstition s'enracine dans le fait qu'il y a dans le monde des forces divines : le vol des corbeaux à Rome déterminait les augures, les tripes de poulets permettaient de voir l'avenir, les chats noirs, les dés jetés permettent de prendre des décisions, c'est le sort, bon ou mauvais. Les défunts sont parfois également investis d'une puissance divine, c'est le culte des ancêtres, mannes protectrices. Les porte-bonheur, les grigris, tout cela fait que le monde et certains objets sont investis d'une puissance, d'une énergie divine qui fait peur ou rassure et que l'on essaie de contrôler ou d'éviter. C'est la superstition et dans le fond de notre cœur, il en reste toujours un peu, prêt à re-germer, comme des mauvaises graines dans un sol travaillé.
Aujourd'hui dans notre culture, certains courants écologistes, notamment du côté de la bio-dynamique reconstruisent une religiosité de la nature, et considèrent que le monde de la nature a ses propres lois, sa propre volonté, une véritable personnalité. Ils sont très proches des religions anciennes qui faisait de Gé, la terre, une véritable, une religion naturelle de la terre-mère.
Or la confession de foi en un Dieu créateur nous apprend que Dieu est extérieur au monde. Le potier qui crée un vase crée quelque chose qui lui est extérieur : il lui donne une forme, mais le vase n'est pas le potier. L'apôtre Paul va d'ailleurs développer cette image en Romains 9.
La foi en un Dieu créateur implique aussitôt une distance entre le créateur et sa création. La création ne peut plus être divinisée, puisque Dieu est le créateur, à distance, éloigné de sa création. C'est lui qui doit être adoré et non la créature. Il n'y a plus rien de divin dans le monde créé.
Alors, c'est vrai qu'avec sa Parole révélée aux prophètes, avec Jésus et le don du St Esprit, Dieu revient dans le monde, il revient agir dans le monde, mais il ne vient jamais à aucun moment se confondre avec le monde. D'ailleurs Jésus appliquera à nos personnes ce qu'il est lui-même : vous êtes dans le monde, mais vous n'êtes pas du monde. Ce qui fait que le Christ est venu dans le monde et nous sommes dans le monde mais jamais sans que ces deux réalités soient mélangées. Nous devons préserver cette distance qui est à l'origine de notre foi.
Le monde n'est pas Dieu, il est en quelque sorte désacralisé. Le monde, création de Dieu, est aimé, chéri par Dieu, mais avec la juste distance qu'exige toujours l'amour véritable. Même si parfois cette distance nous fait souffrir et que nous aimerions la réduire.
La troisième chose que je souhaite aborder est que souvent, on a une mauvaise compréhension de l'acte créateur de Dieu. On réduit la création du ciel et de la terre au commencement il y a quelques millions d'années. Dieu a créé le monde jadis, depuis le septième jour, l'affaire est faite. Rien n'est plus catastrophique, rien n'est plus faux, rien n'est plus triste, que cette représentation là.
La foi biblique en un Dieu créateur ne concerne pas le passé, mais concerne aussi le présent et l'avenir. C'est tous les jours que Dieu crée et recrée le monde. Comment faut-il comprendre le fait que Dieu est créateur ? Je voudrais vous suggérer une piste.
Le récit de la Genèse nous dit qu'avec du tohu-bohu, Dieu créateur a fait surgir un monde ordonné et beau. Dieu fait du neuf avec du vieux. Avant que Dieu ne crée le monde, il y avait du chaos, il y avait de l'eau, il y avait un abîme, c'est à dire des choses abîmées ; avant la création, le monde était vieux ! Et Dieu commence par créer la lumière. Une lumière sans soleil et sans astres, qui ne viendront qu'ensuite, mais une lumière divine qui éclaire tout, ordonne tout, crée tout à neuf.
Et tout au long de la Bible, Dieu se présente comme celui qui inlassablement, va re-créer, recommencer, redonner une chance, ré-ordonner le chaos de nos vies.
Créer, c'est remettre les choses dans un ordre nouveau, lumineux et beau. Chaque jour sous la lumière divine, Dieu s'exclame sur la beauté et la bonté du monde. C'est cela créer.
Le monde est vieux, le monde a toujours été vieux. Même avant la création le monde était vieux. Et le Dieu créateur est celui qui va rénover. Faire du neuf comme aux premiers jours de la Genèse.
Toute la Bible est faite de cette espérance que la création continue sans cesse : « je ferai de nouveaux cieux et une terre nouvelle », « je vous donnerai un cœur nouveau », « je vous donne un commandement nouveau », « je vous donnerai un esprit nouveau », « je vous donnerai un nom nouveau », il y a « une nouvelle Jérusalem qui descend du ciel » et l'Apocalypse se termine avec ces mots : « voici, je fais l'univers nouveau ».
La création c'est faire du neuf, c'est faire de l'inédit.
Le monde est vieux et nos vies sont vieilles. Nos amertumes sont vieilles comme le monde et elles nous vieillissent prématurément. Nos chagrins nous usent et nous vieillissent. Nos échecs sont anciens et nos peurs sont vieilles.
Et bien le Dieu créateur, c'est Celui qui vient rénover nos vies, créer du neuf, faire étinceler sa lumière comme au premier jour du monde dans le tohu-bohu primitif qui était déjà vieux.
Dieu n'a pas créé du neuf il y a longtemps, une fois pour toute, et depuis le monde vieillit et se meurt. Non chaque fois que dans notre vie se passe cette rencontre avec Dieu, notre vie rajeunit, nous sommes recréés et cela c'est pour aujourd'hui et pour demain.
Dans notre rencontre avec Dieu, chaque fois que l'hostilité devient confiance, que la haine devient amour, que la timidité devient audace, que la rancune devient pardon, Dieu nous recrée profondément, nous transforme. Même à notre denier souffle, il nous recréera dans sa lumière et la beauté.
L'apôtre Paul le résume dans une formule éblouissante : « si notre corps se détériore de jour en jour, notre être intérieur se renouvelle de jour en jour ». (2 Corinthien 4,16)
Ce renouvellement est la marque du Dieu créateur. Il est l'origine de cette nouvelle création.
Avec Dieu tout devient neuf, même le 100 millième lever de soleil au dessus de la même montagne, même la même promenade, même le même verset lu et relu devient un jour bouleversant de nouveauté.
Nous voici avec en nous, tout ce qui est vieux, usé, cabossé, démoli, abîmé. Nous voici avec nos vieilles ornières, dans lesquelles nous retombons sans cesse et qui nous entraînent là où l'on ne veut pas aller, mais nous voici avec une promesse et une main tendue : « si quelqu'un est en Christ, il est une création nouvelle, ce qui est ancien est passé. Il y a là du nouveau et tout vient de Dieu qui nous a réconciliés avec lui par le Christ et nous a confié le ministère de la réconciliation ».
Amen !